vendredi 26 octobre 2012

En attendant Robert Capa VS La Capitana


En attendant Robert Capa, Susana Fortes, Héloïse d’Ormesson (vient de paraître chez 10/18 en mars dernier)

La Capitana, Elsa Osorio, éditions Métailié



Une nouvelle fois, je vais vous parler de deux livres. Il s’agit d’En attendant Robert Capa et de La Capitana, tout deux écrits par des auteurs hispanophones.
Commençons par leur sujet.

En 1935, Gerta Pohorylle, Juive allemande, fuit son pays pour Paris où elle rencontre André Friedmann, Hongrois antifasciste. Photographe passionné, il l’initie à son art. Tous les deux s’inventent bientôt des identités américaines et deviennent Robert Capa et Gerda Taro. Engagés tous les deux, ils partent photographier les atrocités de la guerre civile en Espagne (Vous l’avez deviné, nous parlons d’En attendant Robert Capa).
Il est des vies que l’on ne voit qu’au cinéma ou qui n’existent que dans nos romans favoris. Celle de Mika, Micaela Feldman de Etchebéhère (1902-1992) qui a réellement vécu, fait partie de celles-là. Cela semble tellement extraordinaire que ça en devient impossible et pourtant… Née en Patagonie, très tôt intéressée par la politique ou plutôt devrais-je dire par le sort de ses prochains, elle n’aura de cesse de parcourir le monde pour lutter contre les injustices et les totalitarismes. Ainsi de Paris à Berlin, en passant par l’Espagne, elle se trouvera là où il fallait être pour assister et tenter d’empêcher l’inéluctable marche de l’histoire dans les années 30 (La Capitana).



« Ouais super, t’as pas d’autres sujets plus plombant encore à nous proposer », me direz-vous. Pas du tout. Ce sont deux fabuleux livres.
Il y a longtemps que je voulais vous parler du Susana Fortes. Je l’ai lu il y a quelques temps, j’en ai gardé une très très forte impression et un souvenir très fort. Je l’avoue ce ne fut pas simple. J’ai bien failli passer à côté. J’ai eu beaucoup de mal à entrer dedans. Je ne sais pas ce qu’il se passait, le style n’était pas forcément compliqué, la narration non plus, mais je restais en dehors. Puis tout à coup, ça s’est déclenché. Je ne sais plus à quel moment, ni pourquoi, mais d’un coup j’étais dedans. Chaque mot raisonnait fortement en moi, le style qui me semblait un peu pauvre au début me paraissait totalement adéquat, chaque mot faisait sens, tout s’enchaînait parfaitement, ça coulait de source, pas un mot de trop, parfait. À partir de ce moment j’ai été happé par cette histoire. J’aimais déjà Capa, son œuvre, son courage. Il a quand même couvert la plupart des conflits du xxe siècle et disait quelque chose comme « si la photo est floue c’est que le photographe n’est pas assez près ». Bien sûr, Robert, en plein débarquement sur les plages de Normandie on va se rapprocher pour prendre la mitrailleuse allemande en gros plan.
J’ai découvert son histoire d’amour avec cet autre grand photographe quelque peu éclipsé par Capa. Une histoire magnifique, passionnelle, fusionnelle en amour comme dans le travail, à tel point que certaines photos de Gerda seront attribuées à tort à Capa. Ils furent militants et pacifistes à leur manière en témoignant le plus fidèlement possible de la cruauté de cette guerre. On comprend mieux avec ce livre cette obsession quasi suicidaire à vouloir témoigner de l’horreur au péril de sa vie. Un fantôme en peine errant sur les champs de batailles. 




Aussi, lorsque j’ai commencé La Capitana, immédiatement ce livre a fait écho à celui dont je viens de vous parler. L’histoire des deux livres se déroule quasi aux mêmes endroits. Les auteurs, comme je vous le disais, sont deux femmes et en plus hispanophones, l’Espagne pour Susana Fortes et l’Argentine pour Elsa Osorio. Les deux histoires parlent de personnages ayant vraiment vécus. Les deux parlent de la même période (la guerre d’Espagne).
À partir des carnets de notes de Mika et de rencontres avec les gens qui l’ont connue, ce roman esquisse le portrait de cette inlassable militante pour l’égalité, la justice et la liberté. Là aussi une magnifique histoire d’amour, traversant les plaines d’Amérique du Sud, le jardin du Luxembourg de Paris et le Berlin secoué par les grèves et les manifestations avant l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Encore un couple de militant, mais eux de façon plus politisée.
La narration du livre est très originale puisqu’au récit de la vie de Mika, soit à la première personne, soit par une militante l’ayant côtoyée, s’intercale la voix de l’auteur, Elsa Osorio qui interpelle le lecteur et Mika. C’est très original et très intéressant puisqu’elle pose des questions à Mika, décédée à présent, qui resteront sans réponses. Ces interpellations éclairent également la démarche de l’auteur, elle nous y explique comment elle a fait ce livre, les impasses et les blancs laissés par les carnets de Mika et ce qu’elle a dû romancer.

Deux livres passionnants.



LUI

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